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Et un joli commentaire de François Kokelaere !
Dans les années 80, avant l’émergence de la grande djembémania, Ewandé était « la » référence du djembé en France. Il y avait d’un côté Guem, quelques africains et au milieu, le roi Ewandé. Le Louis XVI du djembé. Formidable musicien au charisme indéniable, excellent professeur, dénicheur de talent, défricheur génial, il occupa avec brio une scène tambouristique bientôt balayée par la virtuosité exacerbée des années 90. Créateur dans l’âme, il compris bien vite que l’enjeu était le métissage inscrit dans sa propre histoire. Au repli sur soi, à l’ethnocentrisme, il opposa la rencontre, l’ouverture d’esprit, l’intelligence et une vraie fraternité. Ce disque et ce DVD sont le reflet exact de la démarche du bonhomme. Alchimiste musical, sachant se faire discret et simple accompagnateur pour valoriser ses acolytes, grand ordonnateur d’une esthétique pensée et réfléchie, metteur en rythme de génie, chef de bande, tel était le grand Louis. Pièce centrale d’un vaisseau de rythmes, surfant sur toutes les influences, il sut créer la magie de la rencontre entre des musiciens mais aussi des « personnes », des êtres humains, aussi différents que ceux qui jouent dans ce projet. Un casting, presque naturel où le talent vient s’associer au parcours de chacun. Des artistes brillants mais discrets, avec le moins connus des grands djembé fola, Maré Sanogo, au jeu si atypique qu’Ewandé sut valoriser, l’iconoclaste Epizo qu’il sut « cadrer », le fabuleux Ali Wagué et tous ces petits blancs si sages qu’il sut réunir pour ce projet ambitieux et qui l’auraient suivi jusqu’au bout du monde. Ce groupe, car il s’agit bien d’un esprit de groupe qu’Ewandé a su créer, cela s’entend à chaque note, cela se voit à chaque séquence, faisait de la musique avec des percussions et je vous garantis qu’à l’époque, ce n’était pas évident. A l’époque, que dis-je, comme si aujourd’hui les choses avaient changées ? Pas le moins du monde, bien au contraire. Vingt ans après, qu’est devenue la percu ? Quelle place a-t-elle prise dans la musique ?
Nous sommes tous, à la fois les enfants d’Ewandé mais aussi, ses orphelins. Il nous a montré le chemin, montré qu’il était possible de faire autre chose de nos tambours, qu’il y a un espoir que « l’impossible rencontre » puisse quand même se faire avec un peu de clairvoyance et d’humanité. Il nous montré que la finesse, la respiration, la poésie, l’écoute, la sobriété, l’intelligence pouvaient aussi se décliner en terme de percussions. Il nous a appris l’espoir d’un monde meilleur, où la musique serait le vecteur de la rencontre entre les peuples mais d’une rencontre équilibrée, équitable, où chacun peut vivre et s’exprimer sans fioritures, sans délires égocentriques, dans le respect de l’intégrité de chacun, un monde de rêves.
Alors un grand bravo à ceux qui ont osé ressortir ce projet qui fait partie intégrante du patrimoine tambouristique mondial.
Pour ceux qui ne l’ont pas encore acheté, s’il vous plait ne le copiez pas, cet objet d’art a une valeur marchande mais aussi affective. Payez le avec vos deniers et ne le mettez pas avec les autres disques que vous avez piqués sur le net. Mettez-le bien en vue à côté de John Coltrane et de Mozart, là où vous êtes sûrs de pouvoir le trouver à tous moments. Mais ne vous attendez pas à en prendre « plein la gueule », plein les oreilles, attendez-vous plutôt à prendre une sacrée leçon de musique, d’humanité et d’intelligence en action.
François Kokelaere
Forum de percussions.org
le 02 08 2008
