Milford Graves - Ma claque du réveillon
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Milford Graves - Ma claque du réveillon
Salut les copains, et bonne année à tous (ça pourra difficilement être pire que la précédente...).
De mon côté ça démarre bien, car quoi de mieux que de démarrer l'année en se prenant une grosse baffe musicale ?
J'ai donc eu la chance de pouvoir passer le réveillon au Stone, le club de John Zorn, pour assister au trois sets de fin d'année qu'il y avait organisé.
Pendant que le second groupe s'installe, un vieil homme gare sa voiture et tente péniblement d'en sortir une batterie bariolée. Il n'est pas au meilleur de sa forme, il fait froid, bref, je lui donne un coup de main et rentre la batterie dans le club (enfin... le Stone c'est plutôt une sorte de garage...). Je le vois ensuite accompagné d'un jeune homme, que j'imagine être son petit fils et le propriétaire de la batterie en question. Je n'imagine pas un instant que le vieil homme puisse être le batteur programmé ce soir là.
Arrivé au troisième set, la batterie bariolée est installée, et le vieil homme s'y installe, lentement, en boitant. Il semble s'être installé bien trop bas, sa caisse claire lui arrivant au dessus des coudes, et les quelques coups qu'il porte à sa batterie révèle que ses peaux sont largement détendues et sans peaux de résonance, y compris sur la caisse claire . Je suis perplexe...
Il jette un regard à ses acolytes du soir, John Zorn et Marc Ribot, et entame alors un concert mémorable. Ne me demandez pas ce qu'on bien pu faire Zorn et Ribot, je n'en sais trop rien, je ne les ai même pas écouté.
Milford Graves, puisque c'est de lui qu'il s'agit, s'est tout à coup mué, emplissant la salle d'une énergie phénoménale.Difficile de croire qu'il s'agit encore du même homme qui ne parvenait pas à déplacer son tom basse.
Sa position face au kit, et son accordage si particulier prennent soudain sens. Car sur sa batterie le bonhomme joue des coudes. Des dessins sont tracés sur ses peaux, indiquant des points de pressions, des patchs collés à des endroits stratégiques (et qui font penser aux rondelles sur les peaux de tabla), sur lesquels il vient s'appuyer, ou faire pression avec ses baguettes. Ses futs ne sont plus de simples futs de batterie, ils deviennent tantôt tambours africains, tantôt tablas.
Sur le troisième morceaux, il démarre par une intro à la caisse claire seule, un sorte de roulement tellement riche en timbres qu'il semble être joué sur une dizaine d'instrument différents.
La richesse de timbres, l'intensité, la justesse du phrasé, trois jours après je suis encore dans cette salle et essaie encore de comprendre ce que j'y ai vu.
Rapidement Zorn, épuisé, dépose son saxo et s'assoie contre le mur pour reprendre ses esprits. Ribot, de son côté, tente lui aussi de mettre fin au morceau, mais le batteur ne le lâche pas du regard, le relance sans cesse, propose plusieurs voies, change de direction.
A la fin du set, qui arrivera malheureusement assez vite, Zorn et Ribot semblent épuisé, sur les genous, alors que Milford Graves déborde encore d'énergie et pourrait rempiler pour deux heures. Finalement le concert prends fin, Milford se lève péniblement de son siège et redeviens le vieil homme derrière lequel il se déguise quand il redescends sur Terre.
J'ai envie de lui poser milles questions, mais il a l'air fatigué, il est tard, je me borne donc à le remercier et à tenter de lui expliquer à quel point il m'a impressionné. Je regrette maintenant de ne pas avoir plus parlé avec lui, nous étions une petite cinquantaine de personnes dans la salle, c'était l'occasion où jamais.
Bref, je ne comprends pas que je sois passé à côté d'un tel phénomène pendant tout se temps.
D'autant qu'il a joué avec Albert Ayler, Pharoah Sanders, Anthony Braxton, Bill Laswell, Sonny Sharrock, etc...
Je n'ai pas encore trouvé de vidéos particulièrement probantes sur Youtube, mais je n'ai pas encore eu le temps de me pencher longtemps sur la question. Et puis, après un tel concert, difficile de retrouver la même force sur une vidéo...
Bref, si, comme moi, vous ne connaissiez pas le bonhomme, penchez vous sur son cas.
De mon côté ça démarre bien, car quoi de mieux que de démarrer l'année en se prenant une grosse baffe musicale ?
J'ai donc eu la chance de pouvoir passer le réveillon au Stone, le club de John Zorn, pour assister au trois sets de fin d'année qu'il y avait organisé.
Pendant que le second groupe s'installe, un vieil homme gare sa voiture et tente péniblement d'en sortir une batterie bariolée. Il n'est pas au meilleur de sa forme, il fait froid, bref, je lui donne un coup de main et rentre la batterie dans le club (enfin... le Stone c'est plutôt une sorte de garage...). Je le vois ensuite accompagné d'un jeune homme, que j'imagine être son petit fils et le propriétaire de la batterie en question. Je n'imagine pas un instant que le vieil homme puisse être le batteur programmé ce soir là.
Arrivé au troisième set, la batterie bariolée est installée, et le vieil homme s'y installe, lentement, en boitant. Il semble s'être installé bien trop bas, sa caisse claire lui arrivant au dessus des coudes, et les quelques coups qu'il porte à sa batterie révèle que ses peaux sont largement détendues et sans peaux de résonance, y compris sur la caisse claire . Je suis perplexe...
Il jette un regard à ses acolytes du soir, John Zorn et Marc Ribot, et entame alors un concert mémorable. Ne me demandez pas ce qu'on bien pu faire Zorn et Ribot, je n'en sais trop rien, je ne les ai même pas écouté.
Milford Graves, puisque c'est de lui qu'il s'agit, s'est tout à coup mué, emplissant la salle d'une énergie phénoménale.Difficile de croire qu'il s'agit encore du même homme qui ne parvenait pas à déplacer son tom basse.
Sa position face au kit, et son accordage si particulier prennent soudain sens. Car sur sa batterie le bonhomme joue des coudes. Des dessins sont tracés sur ses peaux, indiquant des points de pressions, des patchs collés à des endroits stratégiques (et qui font penser aux rondelles sur les peaux de tabla), sur lesquels il vient s'appuyer, ou faire pression avec ses baguettes. Ses futs ne sont plus de simples futs de batterie, ils deviennent tantôt tambours africains, tantôt tablas.
Sur le troisième morceaux, il démarre par une intro à la caisse claire seule, un sorte de roulement tellement riche en timbres qu'il semble être joué sur une dizaine d'instrument différents.
La richesse de timbres, l'intensité, la justesse du phrasé, trois jours après je suis encore dans cette salle et essaie encore de comprendre ce que j'y ai vu.
Rapidement Zorn, épuisé, dépose son saxo et s'assoie contre le mur pour reprendre ses esprits. Ribot, de son côté, tente lui aussi de mettre fin au morceau, mais le batteur ne le lâche pas du regard, le relance sans cesse, propose plusieurs voies, change de direction.
A la fin du set, qui arrivera malheureusement assez vite, Zorn et Ribot semblent épuisé, sur les genous, alors que Milford Graves déborde encore d'énergie et pourrait rempiler pour deux heures. Finalement le concert prends fin, Milford se lève péniblement de son siège et redeviens le vieil homme derrière lequel il se déguise quand il redescends sur Terre.
J'ai envie de lui poser milles questions, mais il a l'air fatigué, il est tard, je me borne donc à le remercier et à tenter de lui expliquer à quel point il m'a impressionné. Je regrette maintenant de ne pas avoir plus parlé avec lui, nous étions une petite cinquantaine de personnes dans la salle, c'était l'occasion où jamais.
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- soft
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Re: Milford Graves - Ma claque du réveillon
" the surest sign that intelligent life exists elsewhere in the universe is that none of it has tried to contact us"
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Re: Milford Graves - Ma claque du réveillon
Merci mouton pour ce superbe compte rendu, qui m'a fait voyager devant mon café.
Dommage que je n'accroche pas du tout en vidéo, peut être faudrait il, comme toi, le voir en vrai.
Dommage que je n'accroche pas du tout en vidéo, peut être faudrait il, comme toi, le voir en vrai.
Dernière modification par Bontempix le ven. 15 janv. 2016, 09:15, modifié 1 fois.
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Re: Milford Graves - Ma claque du réveillon
je connaissais de nom et j'avais assimilé à Rashied Ali, Sunny Murray, Famoudou Don Moye, Andrew Cyrille, avec lequel il a enregistré un duo; impressionnant de vitalité et d'originalité; ça m'a permis de revisiter une icône frétillante de la scène free: le Marshall Allen: 90 ans, qui met la pâtée à tout le monde:
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Re: Milford Graves - Ma claque du réveillon
Moi j'ai eu la chance de le voir dans les années 75 (?) sur une batterie "bizarre" !! -en solo ou en duo et avec qui je ne m'en rapelle plus - où, je ne sais plus ( maison de la radio ???) ce dont je me rapelle c'est que c'était hors norme...qu'il a joué un putain de bon moment complètement "free"..avec un métronome !! yess
ah ça oui, a realy "underated" guy ! ...yen a combien sur cette planète (tous les "bons" ne font pas la une !!)
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Dernière modification par Greybrother le lun. 4 janv. 2016, 13:41, modifié 1 fois.
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Re: Milford Graves - Ma claque du réveillon
Comme je le disais, je ne suis pas encore parvenu à trouver une vidéo qui rende compte de ce que j'ai eu la chance de voir. Les vidéos que l'on trouve son souvent prisent avec un téléphone, ancienne avec la batterie sous-mixée, ou de belle qualité (comme celle avec Marshall Allen que Soft a posté) mais sur un kit plus "traditionnel".Bontempix a écrit :Merci mouton pour ce superbe compte rendu, qui m'a fait voyagé devant mon café.
Dommage que je n'accroche pas du tout en vidéo, peut être faudrait il, comme toi, le voir en vrai.
Il fallait le voir plié en deux sur son kit, jouant la moitié du set avec le coude posé sur sa caisse claire pour la faire sonner comme un tabla. Il fallait entendre ses toms sonner tour à tour comme des tambours africains, graves et profonds, puis monter dans les aigus pour redevenir des toms de jazz. Promis, le jour où je trouve une vidéo qui rend compte de tout ça je la poste.
Je me doutais que ça allait te parler. J'ai aussi fait le lien avec Rashied Ali, pendant le concert j'ai repensé à Coltrane qui disait de lui qu'il était multi-directionnel. Jusque là je n'avais jamais vraiment compris ce qu'il voulait dire, mais devant Milford Graves ça m'a paru évident.soft a écrit :je connaissais de nom et j'avais assimilé à Rashied Ali, Sunny Murray, Famoudou Don Moye, Andrew Cyrille
Je ne connais pas les autres noms que tu cites, mais je vais checker ça.
Content de voir que je ne suis pas le seul à avoir eu ce ressenti. Hors norme, c'est le mot.Greybrother a écrit :Moi j'ai eu la chance de le voir dans les années 75 (?) sur une batterie "bizarre" !! -en solo ou en duo et avec qui je ne m'en rappele plus - où, je ne sais plus ( maison de la radio ???) ce dont je me rapelle c'est que c'était hors norme...qu'il a joué un putain de bon moment complètement "free"..avec un métronome !! yess
ah ça oui, a realy "underated" guy ! ...yen a combien sur cette planète (tous les "bons" ne font pas la une !!)
J'espère avoir l'occasion de le voir encore quelques fois tant que je ne suis pas trop loin de NY.
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Re: Milford Graves - Ma claque du réveillon
eh oui c'était l'époque du free, Rashed Ali (cf derniers Coltrane ), y avait le pianiste Cecil Taylor, l'orchestre de SunRa...pour en revenir Milford Grave, ce qui m'avait impressionné et m'est resté c'est que c'était free mais que ça pulsait garve...oui l'Afrique !! oui rien à comprendre, il faut juste s'en imprégnier...si tu peux, profites en ...!
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Re: Milford Graves - Ma claque du réveillon
Pas du tout ma cam, pas du tout mon univers... mais merci pour le compte-rendu, qui est superbe d'authenticité : on aurait bien aimé être avec toi ce soir là !